Le sanglier, le lapin et la grenouille

Pas plus tard qu'hier, je suis allé me balader dans la forêt, armé de mon plus beau chapeau de pèlerin et d'un pique-nique de compétition. Je rencontre un sanglier, très sympa au demeurant, qui me regarde avec un œil vigilant. Nous entamons un brin de causette, et je lui dis : "Dis donc, mon vieux, tu as vu la météo ? Il paraît qu'il va pleuvoir... peut-être que le soleil va sortir, mais avec un parapluie''

Il me regarde, l'air de dire : "Mais qu'est-ce que tu racontes, l'humain ?" Et puis, il me propose de l'accompagner pour une partie de cueillette aux champignons. Je suis emballé ! Je me dis : "Enfin, un sanglier qui aime les champignons ! On va s'amuser !"

Mais juste au moment où je m'apprête à le suivre, il se souvient qu'il avait un rendez-vous avec une tricheuse de sanglière (une sanglière qui triche, quoi !). Il me pose un lapin, et me voilà tout penaud, seul et éperdu au milieu de cette étendue de bois avec le lapin que je me suis empressé de ramasser.  

Accompagné de ce nouvel acolyte, gaiement nous cheminons tout en devisant des joies de la vie. Il m'explique ce que c'est que courir plusieurs lièvres à la fois, quand il s'immobilise pétrifié à l'idée que je puisse le contredire. Il se carapate et me laisse seul à nouveau. Je me dis : "Bon, ça va, j'ai compris. Je vais aller voir ailleurs si j'y suis."

Je me retourne et découvre une grenouille qui m'observe toute verte, avec un regard qui dit : "Qu'est-ce que tu veux, toi ? Tu n'as pas vu que j'allais faire une sieste ?" Elle me délivre quelques croassements bien sentis, juste parce que j'étais sur sa route : "Excusez-moi, madame la grenouille, je ne voudrais vous importuner pour rien au monde. Je vais juste passer par là, et je vous laisse tranquille. Promis, juré, craché."

Elle poursuit sa route et se retourne quelques mètres plus loin, une dernière fois avec un regard... Ah si seulement vous aviez vu son regard ! C'était comme si elle me disait : "Toi, tu es un humain, et tu es un peu trop bavard à mon goût."

Alors je rentre chez moi, abandonné de tous et de tout le monde, avec la joie d'avoir croisé la route de drôles de personnages. Et je me dis : "La prochaine fois, je vais aller me promener dans un parc, avec des gens normaux."